Les inspirations des microfermes


1. L’agroécologie


e. L'agriculture naturelle


De la théorie...

L'agriculture naturelle a été créée par le japonais Masanobu Fukuoka dans la seconde moitié du XXème siècle. La philosophie générale est d'être très peu interventionniste et de laisser faire la nature au maximum. Cela ne revient pas à ne rien faire, mais plutôt à accompagner au strict minimum les processus naturels.

Concrètement, cette posture se traduit en agriculture par les principes suivants :

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− Pas de travail du sol et sols couverts : les sols ne sont pas travaillés et sont couverts en permanence (résidus des cultures précédentes, couvre-sols spontanées et dans certains cas très spécifiques délibérément semés)

− Pas d’utilisation de fertilisant chimique ou de compost préparé : la majorité de la fertilisation organique est assurée par des plantes spontanées (adventices) ou des engrais verts qui peuvent être fauchés et laisser à se décomposer en surface

− Pas de désherbage systématique : les adventices ne sont pas jugés comme des mauvaises herbes à éradiquer mais comme des plantes jouant un rôle important dans l’écosystème (couverture du sol, remontée de nutriments par les racines, production de biomasse, biodiversité). Il s’agit juste de les contrôler à des moments clés (par exemple par la fauche) pour permettre le développement des cultures


− Pas d'utilisation de pesticides

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− Pas de motorisation : initialement dans son système au Japon, Fukuoka utilisait pour certaines actions la traction par boeufs
− Pas de taille des arbres

- Permettre le développement de variétés robustes : la plupart des variétés modernes ont été sélectionnées pour exprimer leur plein potentiel dans des conditions très contrôlées et ne sont donc pas adaptées aux conditions de l’agriculture naturelle. Il est donc primordial de sélectionner progressivement des variétés robustes qui puissent se faire une place dans un environnement avec une forte concurrence des adventices et des sols couverts. Afin de limiter le temps de travail et réaliser cette sélection, l’agriculteur peut laisser certaines plantes se ressemer d’elles-mêmes. Pour aider les semences à se développer sur des couverts végétaux, elles peuvent être enrobées de billes d’argile protectrices.

L’approche globale de l’agriculture naturelle telle que définie par Fukuoka a influencé les paysans occidentaux, en particulier la réflexion sur la limitation possible de l’intervention humaine. L’adhésion à cette nécessité de l’humilité et de la collaboration avec la nature se retrouve généralement au sein des microfermes maraîchères.



...à la pratique...

Les principes de l’agriculture naturelle s’illustrent notamment par la volonté de ne pas travailler le sol et de ne pas chercher un désherbage impécable à tout prix (comme ce qui est généralement conseillé en maraîchage biologique classique).

Un certain nombre de maraîchers, comme Fukuoka, cherchent à contrôler les adventices à certains moments cruciaux du développement des cultures et non à les éradiquer. Sortir du « dogme de la parcelle propre » peu sembler difficile mais, chiffres à l’appui, le coût en énergie et en temps de travail d’un désherbage parfait et constant peut parfois pénaliser le résultat économique réalisé par unité de surface par rapport à une parcelle enherbée.

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Dans certains cas l’enherbement peut certes entraîner une baisse de rendement mais que le coût économique de cette perte était inférieur à celui engagé pour le désherbage, d’autant plus qu’au-delà du seul coût économique, le désherbage peut être jugé comme une tâche pénible. Le défi principal devient alors de savoir à quels moments il est avantageux d’intervenir et à quel moment il est avantageux de ne pas intervenir, en considérant également que le compostage des adventices pouvait réduire les coûts de fertilisation et que la présence des adventices favorisait aussi les populations de certains insectes auxiliaires.

Une phase d’apprentissage de plusieurs années est nécessaire pour l’acquisition de ce savoir-faire de l’intervention juste ou superflue sur les fermes.


L’observation fine des cycles naturels sur la ferme est aussi parfois mise en avant comme un moyen de cibler des interventions appropriées. Par exemple, il est intéressant de chercher à comprendre les cycles de vie et les habitudes des limaces et des campagnols pour intervenir au moment opportun ou s’assurer de créer les conditions qui permettent de limiter leurs dégâts.

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On peut aussi citer l’utilisation de variétés paysannes sélectionnées année après année pour être robustes dans les conditions spécifiques de la ferme Certains maraîchers travaillant en agriculture naturelle permettent à une part variable des légumes de monter en graines et de se ressemer spontanément sur les planches. Ces cultures spontanées ne sont pas incluses dans la planification des cultures, mais lorsque des difficultés se présentent pour remplir les paniers hebdomadaires, ces plantes dont la production ne « coûte rien » (puisqu’on ne s’en occupe pas) constituent un complément intéressant à l’offre.




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Le non travail intégral du sol et la culture sous couverts végétaux ou paillages est également une thématique que certains maraîchers en agriculture naturelle (mais pas uniquement) expérimentent.




Ces pratiques s’inspirent à la fois des pratiques de Fukuoka mais également des expérimentations de l’agriculture de conservation et des techniques culturales simplifiées principalement développées sur grandes cultures et adaptées aux cultures maraichères.

Cette adaptation peut recourir à des techniques non utilisées par Fukuoka comme la couverture par des bâches, pour faciliter l'incorporation des couverts dans le sol avant plantation et semis, l’utilisation de paille exogène pour couvrir les sols et la mise au point d’outils motorisés dérivés de l’agriculture de conservation de plein champ pour les planches permanentes de 80 à 120 cm en maraîchage (exemple : rolo faca, semoir direct, strip till).



Source : Viabilité des microfermes maraîchères biologiques. Diffusion des principaux résultats de thèse. Kevin Morel. 2018