2.2 Atténuation et adaptation selon les pratiques agricoles
Quelles sont les moyens d’actions de l’agriculture pour atténuer ou s’adapter au changement climatique ? (liste non exhaustive)
Pratiques communes aux différents types d’agriculture
Les infrastructures agroécologiques
Une infrastructure agroécologique (IAE), ou Surface d’Intérêt Écologique (SIE), correspond à tout habitat d’un agroécosystème dans ou autour duquel se développe une végétation spontanée ou semée, intentionnellement non récoltée. Cela correspond aux haies, bandes enherbées, fossés, mares,...Elles permettent d’augmenter le niveau de biodiversité en offrant un refuge aux auxiliaires de cultures et pollinisateurs et contribuent au bien-être animal. Elles peuvent, dans le cas des haies ou bandes enherbées en bordures de parcelles, lutter contre l’érosion des sols et faire effet tampon entre la parcelle et un cours d’eau limitant ainsi sa pollution.
Les IAE entrent dans une stratégie d’atténuation et d’adaptation au changement climatique car elles favorisent la biodiversité.
La perte de biodiversité sur terre est notamment une cause et une conséquence du changement climatique et a ainsi provoqué l’augmentation de la pression des ravageurs et maladies sur les cultures. Restaurer cette biodiversité permet de réduire la pression des ravageurs et d’améliorer la résilience des écosystèmes. Un écosystème plus résilient se remet plus vite des intempéries et perturbations, les cultures agricoles souffriront donc moins des effets du changement climatique. De plus les IAE permettent le stockage de carbone et comme nous l’avons vu dans ce module stocker du carbone dans les sols permet de réduire la quantité de GES dans l’atmosphère.
Les couverts végétaux
Les couvertures végétales, sous toutes les formes, s’inscrivent dans une démarche agroécologique car elles présentent de nombreux intérêts écologiques : protection de la vie du sol et de la biodiversité, prévention du lessivage des éléments nutritifs (C,N,P,K,etc.), amélioration du stockage du carbone, réduction de l’érosion et décompactage des sols (Justes and Richard, 2017). En plus de cela, les engrais végétaux (ou engrais verts) permettent de capturer et de remonter les éléments nutritifs du sol, d’enrichir le sol en azote pour les légumineuses et de les redistribuer à la culture suivante.
L’implantation de cultures intermédiaires peut également permettre d’enrayer le cycle de vie de certains ravageurs, maladies et adventices. (Pour en savoir plus voir la fiche Couverts végétaux du wiki) Cette pratique entre dans une stratégie d’atténuation et d'adaptation au changement climatique car elle favorise elle aussi la biodiversité et le stockage du carbone.
L'agrivoltaïsme
L’agrivoltaisme est l’association de production d’énergie solaire photovoltaïque et de production agricole en dessous. Ce mode de culture permet de produire des énergies renouvelables tout en conservant l’espace de production. Les panneaux apportent de l’ombrage aux cultures, le choix des cultures est donc primordial.
Cette pratique entre dans une stratégie d’atténuation et d’adaptation au changement climatique car elle permet de produire des énergies renouvelables et donc de limiter les émissions de GES dues à la production d’électricité issues d’énergies fossiles et apportent de l’ombrage aux cultures ce qui permet de réduire les effets de la sécheresse.
Les panneaux photovoltaïques doivent, selon l’Ademe « apporter directement (sans intermédiaire) des services, et ce, sans induire une dégradation importante de la production agricole, ni diminution des revenus issus de cette production ». Pour certaines parcelles, des panneaux solaires ont pu être implantés sans interactions profondes avec le mode de production. L’agrivoltaïsme est une des solutions à envisager pour la lutte contre le changement climatique mais doit être pensée et réfléchie pour profiter pleinement des avantages de ce nouveau mode de production et limiter la mobilisation de terres agricoles abusive.
Pour aller plus loin sur les enjeux et dérives de l'agrivoltaïsme, vous pouvez lire cet article de Reporterre !
Les matières organiques et compost
L’apport de matière organique améliore la fertilité, la structure et la vie biologique d’un sol mais permet également de réduire la teneur en CO2 de l’atmosphère par la séquestration du carbone. Cette pratique entre dans une stratégie d’atténuation et d’adaptation au changement climatique car elle stocke du carbone atmosphérique, favorise la biodiversité et permet au sol de garder plus d’eau.
L’agroforesterie
L’agroforesterie recouvre l’ensemble des pratiques agricoles qui associent, sur une même parcelle, des arbres à une culture agricole et/ou de l’élevage. Bien menée, l’agroforesterie permet d’améliorer la fertilité du sol, sa texture et structure. La biomasse des arbres, riche en lignine, contribue à former un humus stable et fertile - litière aérienne et souterraine- et ses racines profondes permettent d’aller chercher loin les nutriments afin de les remonter à la surface. Elle permet également une meilleure utilisation des ressources du milieu et notamment de l’eau. L’arbre est un amortisseur climatique. En puisant et transpirant de l’eau depuis les couches profondes, il rafraîchit l’atmosphère en été, tandis que sa présence limite l’effet du vent et du sol, responsables d’importantes pertes d’eau par évaporation. Le renouvellement de l’air favorise l'évaporation de l’eau car l’humidité diminue (cet air n’est pas saturé en eau), cette eau évaporée provient de la surface du sol.
La pérennité des arbres permet de stocker du carbone, de favoriser la vie : les racines offrent une niche de choix pour héberger la vie du sol et limitent le gel hivernal et de lutter contre l’érosion.
Cette pratique permet de diversifier les activités économiques et de créer de nouvelles ressources : fruits, fourrage, litières, paillage, bois-énergie,… (pour en savoir plus voir la fiche agroforesterie du wiki) Cette pratique entre elle aussi dans une stratégie d’atténuation et d’adaptation au changement climatique pour le stockage du carbone, la biodiversité et l’adaptation au climat.
Pour plus de ressources rendez-vous sur le site d'Agroof SCOP
L’agriculture de conservation
L’agriculture de conservation est, selon la FAO, un système cultural qui permet de prévenir les pertes de terres arables tout en régénérant les terres dégradées. Elle favorise le maintien d'une couverture permanente du sol, une perturbation minimale du sol et la diversification des espèces végétales. Elle renforce la biodiversité et les processus biologiques naturels au-dessus et au-dessous de la surface du sol, ce qui contribue à accroître l'efficacité de l'utilisation de l'eau et des nutriments et à améliorer durablement la production végétale. Les principes de l’agriculture de conservation sont universellement applicables à tous les paysages agricoles et à toutes les utilisations des terres, avec des pratiques adaptées localement. Les interventions sur le sol, telles que la perturbation mécanique du sol, sont réduites au strict minimum ou évitées, et l'utilisation d'intrants externes, tels que les produits agrochimiques et les éléments nutritifs pour les plantes d'origine minérale ou organique, est limitée.
Atténuation
Le non labour
Le non-labour avec couvert végétal permet de se préserver contre le stress hydrique de même que l’optimisation des potentialités de développement racinaire améliore l’alimentation hydrique de la plante. Pour atténuer les adventices favorisées par le non-labour, il faudra allonger les rotations et prévoir un enherbement permanent. Outre la maîtrise des mauvaises herbes, il permet une limitation efficace de l’évaporation (beaucoup plus forte sur sol nu).
Le travail du sol peut dans une certaine mesure déstocker du carbone du sol et surtout limiter la vie biologique du sol responsable notamment de la décomposition des matières organiques fraîches en humus.
Les recherches menées par ARVALIS - Institut du végétal à Boigneville montrent qu'à moyen terme (40 ans) le travail du sol a peu d’impact sur le déstockage du carbone. Le stockage supplémentaire de carbone n’est pas irréversible et les parcelles menées en semis direct ont peu de différence au niveau des stock de carbone que les parcelles labourées. Le non travail du sol (ou limité) offre cependant de plus grand stock de carbone (que le labour) lorsqu'un couvert végétal est implanté. Au-delà du stockage du carbone, le non labour est bénéfique pour la vie biologique du sol et donc pour la structure du sol, la matière organique, la rétention en eau et globalement pour la résilience de l’agroécosystème.
Réduire sa consommation en énergies fossiles
Réduire sa consommation en énergies fossiles permet la réduction des émissions de gaz à effet de serre mais permet également de faire des économies et d’être plus autonome. Substituer les engrais minéraux par des engrais organiques permet de réduire grandement la consommation agricole en énergies fossiles sachant que 1 kg d’engrais azoté nécessite l’équivalent d’1kg de pétrole.
Adaptation
L’agriculture de précision
Elle consiste à mettre la "bonne dose (insecticides, eau,...) au bon moment" et au bon endroit pour intervenir sur les différentes cultures de l’exploitation agricole via de nouvelles technologies. L’utilisation de ces outils permettent de limiter l’utilisation d’intrants. Cette pratique permet l’adaptation au changement climatique car elle permet de réduire l’utilisation d’intrants et d’eau. L'utilisation de produits chimiques de synthèse est dangereuse pour la biodiversité, la pollution des eaux (souterraines et de surfaces) et la santé humaine, même à petite dose. Il est préférable de les substituer par des produits de biocontrôle et des pratiques prophylactiques (prévenir l'apparition des ravageurs et maladies).
Les variétés résistantes, précoces et peu sensibles à la sécheresse
Ces variétés permettent de s’adapter au changement climatique.
Les variétés résistantes sont le fruit de recherches génétiques visant à réduire l’impact des maladies, ravageurs ou de la sécheresse sur les cultures et donc limiter les pertes de rendements.
Les variétés précoces sont des variétés pouvant être implantées plus tôt dans la saison qu’une variété classique. Cela permet d’éviter les périodes de sécheresse, de forte pression de ravageurs ou de fortes pluies. Pour les cultures automnales cela peut permettre d’augmenter la quantité de lumière jour en début de plantation.
Les variétés ou cultures peu sensibles à la sécheresse sont moins demandeuses en eau. Elles permettent de diminuer sa quantité d'eau utilisée et sont plus résilientes.
Le biocontrôle
Le biocontrôle est l’utilisation d’organismes ou de leurs produits dans le but de lutter contre les ravageurs et pathogène des cultures. C’est une alternative à l’utilisation de produits phytosanitaires conventionnels. Cette pratique permet de favoriser la biodiversité et comme nous l’avons vu précédemment elle permet la résilience des écosystèmes et donc de s’adapter au changement climatique.
Le biocontrôle comprend : favoriser les auxiliaires ou repousser les ravageurs. Parmi les solutions de biocontrôle on peut trouver l’implantation de haies, de plantes compagnes, l’utilisation d’auxiliaires, de bactéries ou encore de phéromones.
Les associations de cultures
Une association de cultures consiste à associer des espèces ou des variétés cultivées sur la même surface. "Les espèces ou variétés ne sont pas nécessairement semées et récoltées en même temps, mais doivent cohabiter pendant une période significative de leur croissance. Les plantes peuvent être mélangées dans la parcelle (semis d’un mélange de graines ou semis/ plantation en plusieurs fois) ou cultivées en rangs ou bandes alternés. Le choix des espèces ou des variétés est fonction des débouchés, des caractéristiques physiologiques afin de récolter le mélange dans de bonnes conditions, et des objectifs recherchés (éviter un bio-agresseur, limiter le salissement de la parcelle…)."
Source : ECOPHYTO – Guide pratique pour la conception de systèmes de culture légumiers économes en produits phytopharmaceutiques.
Cette pratique permet de favoriser la biodiversité et peut permettre la réduction de la pression des ravageurs et maladies.
Protéger les cultures du soleil
De manière générale, protéger les cultures du soleil (agroforesterie, blanchiment de serre, ombrière photovoltaïque, serre solaire…) permet de s’adapter aux effets du changement climatique dû aux sécheresse et rayonnement importants.
La gestion de l’eau
Nous avons vu précédemment des pistes d’adaptation pour la gestion de l’eau, mettre en place ce type de stratégie (système d’irrigation économe, stockage de l’eau de pluie, planter des arbres…) permet de limiter les effets du changement climatique et donc de s’y adapter.
Pratiques spécifiques
Elevage
- Moderniser les bâtiments d’élevage : limite les émissions de GES en procédant à une isolation thermique efficace, en réduisant la consommation électrique et en récupérant la chaleur, chauffe-eaux solaires ou même en en produisant de l’électricité par le biais de panneaux photovoltaïques sur les toits
- Préserver et diversifier les prairies permanentes ou temporaires : favorise la biodiversité et stockage du carbone
- La méthanisation : processus de décomposition de matières pourrissables (putrescibles) par des bactéries qui agissent en l’absence d’air. Ce procédé permet de générer une énergie renouvelable, du biogaz qui peut être transformé en chaleur, en électricité et en carburant pour véhicules.
- L’origine et la qualité de l’alimentation animale : Produire l'alimentation de son cheptel ou l'acheter localement permet de réduire les émissions de GES. En effet les concentrés protéiques proviennent souvent du Brésil où la foret amazonienne est déforestée pour pouvoir produire du soja pour l'alimentation d'animaux d'élevage.
- Pratiques d’élevage et sélection génétique : diminuer la taille des élevages en allongeant la durée de vie des reproductrices et réduisant le cheptel de renouvellement (réduit les émissions de GES)
- Production et gestion des effluents : diminution en volume et en émissions par une alimentation adaptée, couverture des fosses à lisier… (réduit les émissions de GES et pollution des eaux)
- Autonomie alimentaire du troupeau : passage à l’herbe, gestion des prairies et des parcours, arbres fourragers, séchage en grange, utilisation de graines germées, implantation de sorgho fourrager en dérobé… (réduit les émissions de GES et favorise le stockage de carbone)
- Bien être animal: réchauffer l’eau des abreuvoirs avec la chaleur du lait, planter des arbres d’ombrages… (permet de limiter les effets du changement climatique, notamment les sécheresses)
Viticulture
- Les couverts végétaux : favorise la biodiversité, le stockage du carbone et la capacité des sols à retenir l’eau
- Réduire le nombre de passages pour la gestion de l’herbe inter rang et sous le rang : introduction d’animaux, tonte de l’herbe par les moutons, utilisation de matériel combiné… (favorise la biodiversité des sols, favorise le stockage du carbone)
- Choix des cépages : peut réduire les effets du changement climatique et la pression des ravageurs et maladies
- Protéger le sol : enherbement inter rang, ombrière photovoltaïque amovible sur le rang… (favorise la biodiversité, le stockage du carbone, limite les rayonnements)
- Isolation de la cave de vinification, thermorégulation des cuves et isolation, sur ventilation nocturne, puits canadiens… (réduit les émissions de GES)
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